Le style n’est pas une taille
mais une attitude
(english version here // version anglaise ici)
Il fallait bien que je finisse par l’écrire un jour ce billet. Mais j’ai longtemps attendu, parce que je ne veux pas qu’il soit lu comme une justification, ni comme une revendication, encore moins un pathos.
Sur ce blog je n’ai jamais prôné le surpoids, je n’ai jamais dit que c’était formidable d’être ronde ou grosse. Jamais, parce que ce n’est pas ce que je pense. Je ne suis pas militante, je ne suis pas ambassadrice, je suis simplement moi et c’est déjà ça.
La question que l’on me pose le plus souvent est “comment fais-tu pour t’assumer”? Et vous allez peut-être trouvé ça bizarre mais je trouve que c’est la question la plus stupide que l’on puisse me demander, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
Ce n’est pas un secret j’ai derrière moi un passé de régimeuse classique, à savoir que déjà bien avant mon adolescence j’ai commencé à vouloir maigrir. Non pas que je fus très grosse à cette époque mais mes rondeurs de femmes précoces ont très vite été confondues avec le surpoids, et un jour un médecin a prononcé le mot qui a tout changé dans ma vie : ” Tu es obèse”. J’étais seule quand j’ai reçu ça en pleine figure, j’avais 12 ans et je suis rentrée chez moi en pleurant toutes les larmes de mon corps comme si on venait de m’annoncer que j’allais mourir.
Depuis ce jour, j’ai tout fait, absolument tout pour me débarrasser de mes kilos en trop, j’ai pris très tôt des coupes faim que je volais à ma mère. J’ai même pris des sortes d’éponges qui étaient censées gonfler dans l’estomac et vous couper la faim, bref j’ai copié l’exemple de ce que ma maman me montrait tous les jours, à savoir une femme mal dans son corps trop rond et en perpétuel recherche de beauté.
J’ai tout connu, les livres de régimes, les pilules miracles, la mono alimentation ( le régime vert, on ne mange que des aliments verts, le régime oeuf épinards à tous les repas y compris le matin, le régime crudité..), les méthodes 3 jours, 6 jours, 3 mois… Je suis devenue une obsédée de la nourriture. Moi qui aimait manger les délicieux repas que me préparait mon papa avec amour sont devenus du jour au lendemain mes pires ennemis.
A l’âge de 12 ans je suis devenue la parfaite petite junkie des régimes!
A 15 ans, j’en étais déjà à mon 10ème régime, j’ai perdu, j’ai repris le double. Pourtant je n’étais toujours pas grosse. Je me souviens que j’avais 5 kg de différence avec ma meilleure amie. Mais elle n’avait pas de seins, moi si, elle n’avait pas de hanches, moi si, elle n’avait pas de cuisses, moi si.
Le regard des hommes plus âgés s’est très vite posé sur moi, c’est plus tard que j’ai compris pourquoi! A 16 ans je rentrais facilement en boîte de nuit parce qu’on me donnait 18 ans, dans leurs yeux j’étais une femme désirable avec ses formes. Pour moi je n’étais qu’une rondouillarde qui devait maigrir.
Ma mère s’est mise très tôt à m’inscrire à de nombreux concours de beauté et m’a fait devenir modèle photo. J’avais ça dans le sang, j’aimais poser, en vacances les photographes sur les plages s’arrêtaient des heures car je jouais la starlette, je tapais la pose façon pin up alors que je n’étais qu’une enfant. J’ai participé à des élections de Miss.. miss machin, miss truc et même Miss OK!
J’ai remporté la demie finale pour la Suisse et je me suis retrouvée avec Flavie Flament cette année là pour la grande finale de Miss OK Podium… Sauf que non, j’avais menti sur mon poids, je pesais à cette époque 6 kg de plus que Flavie et me retrouver parmi d’autres filles plus minces que moi m’était alors insupportable.
Je vous passe le reste de mon adolescence, elle ne fut que course aux kilos, du mal être. C’était le chaos en moi pourtant à l’extérieur j’étais belle, souriante et pleine de vie. Personne n’imaginait à quel point je souffrais.
Le summum fut certainement la fois où une des mes pires ennemis, jalouse parce que je lui avais piqué son petit copain, est venue taguer le container à poubelles devant chez moi avec ces mots: ” ton profil c’est les Alpes!! ” et un immense dessin de mes seins, mon ventre et mes cuisses.
Mon père a vite tout effacé mais le mal était déjà fait, j’étais blessée au plus profond de mon âme et dans ma tête je suis passée dans le camp de la “Grosse”.
Aujourd’hui je me rends compte à quel point tout cela était stupide, que si j’avais été plus dure et plus préparée à ça je l’aurais peut-être encaissé différemment. Mais l’adolescence est une période d’immense fragilité, même si on se sent prêt à abattre des montagnes, intérieurement c’est faux, nous ne sommes encore que des enfants fragiles. J’avais besoin de ma maman, j’aurais eu besoin qu’elle me dise que tout cela n’était pas grave, que mon corps allait changer, mais elle était à ce moment encore plus perdue que moi. Elle ne m’a jamais freiné quand elle me voyait au régime, je lui renvoyais sa propre image, je lui ressemble tellement que je comprends que tout cela a du être très perturbant pour elle aussi.
Ce qui a fait la différence ce sont les mots de ma maman, elle me répétait sans cesse :” Tu es si belle“. Ces mots glissaient sur moi à l’époque, je ne comprenais pas pourquoi elle me trouvait jolie alors qu’elle me laissait m’affamer, comment pouvait-elle associer ses formes avec de la beauté. Qu’avait-elle en tête? Je ne l’ai jamais su car nous n’en avons absolument jamais parlé. Le poids était un tabou encore pire que le sexe dans ma famille. Tout le monde au régime mais surtout il ne fallait pas en parler, il fallait vivre avec ses souffrances sans les partager.
Je pense que le déclic a commencé à se faire quelques années plus tard, je devais avoir 17 ans, un mercredi après-midi je regardais Evelyne Thomas “ C’est mon choix“. Ne riez pas cette émission a été l’amorce de mon changement.
Evelyne Thomas avait invité 6 femmes rondes dans son émission pour montrer que l’on pouvait être rondes ou grosses et heureuses. Une notion tout à fait nouvelle dans ma tête, quelque chose d’impensable s’ouvrait tout à coup à moi. J’ai découvert 6 femmes qui défilaient avec leurs rondeurs, souriantes et pleines de vies, et prônaient une nouvelle “religion” l’acceptation de soi!!
J’ai toujours gardé ça au fond de ma tête et c’est d’ailleurs avec cet révélation que j’ai abordé le sujet avec ma maman, en lui disant: “Je vais faire comme ces femmes, je vais m’assumer!!” Ma mère me répond alors: “Mais arrête c’est n’importe quoi, si c’était si facile ma chérie, malheureusement ce n’est pas la réalité, les gens ne sont pas comme ça, je vois très bien comment est-ce qu’ils me regardent!“
Vivre à travers le regard des autres!
Vivre et accrocher son bonheur à la moindres des oeillades en coin, sourires ou rires étouffés mal placés, forcément ces gens se moquent de moi. J’ai vécu les 5 ans années suivantes comme ça, à scruter ceux qui me regardaient de travers pendant que je m’époumonais à la salle de sport, en faisant mes courses ou tout simplement en me baladant dans la rue.
Toujours les régimes mais j’étais passées à l’étape suivante, les médicaments sous ordonnance!
A moi Xenical et Reductil, je les aient emmené dans ma folle descente vers la dépression. J’allais de plus en plus mal.
Jusqu’au jour où un médecin m’a fait une promesse folle “dans 1 an vous aurez perdu vos 63 kg en trop“. Un an! 1 an pour une vie meilleure, une vie heureuse sans soucis, fini les pleures, fini les anti-depresseurs, les envies de mourir, fini les regards des autres! Un an et ma vie deviendra un paradis. Où dois-je signer?
A non pardon, où dois-je me fair opérer! Car oui il s’agit bien de se faire ouvrir le ventre et se faire poser un anneau autour de l’estomac, cet anneau est relié à un boîtier placé sous la peau que l’on peu serré ou desserré à sa guise, bref maigrir c’est simple comme un petit rond suédois que j’ai encore dans le ventre aujourd’hui.
Je me suis faite opérer 2 mois après mon premier entretien, j’étais prête à tout, j’ai oui à toutes les questions même si c’était faux, oui oui, vite vite je veux maigrir, oui je veux être heureuse!!
Six mois après l’opération, j’ai perdu 32 kg, j’étais devenue Madame Soupe, je ne me nourrissais plus que de ça, je comptais toutes les calories y compris ceux des Tic Tac, faire mes courses me prenaient 3 heures, je n’acceptais plus d’invitation, je n’allais plus au restaurant. Mes patients et mes collègues me complimentaient: “bravo! Ce que tu as maigri! Ce que tu es belle à présent! Comme ça te va bien! Alors t’as perdu combien”? Je n’existais plus qu’à travers mes kilos, j’avais enfin réussi à devenir ce que j’ai toujours redouté, je n’étais plus qu’une ombre dans un corps qui se dégonflait. J’ai alors sombré dans une profonde dépréssion.
Une dépréssion qui n’avait qu’un seul et unique but pour moi, disparaître.
J’ai tenté de disparaître… Mais sur cette terre j’avais encore trop de bonheur à vivre, on ne m’a pas laissé partir.
J’ai passé 17 ans de ma vie à vouloir me faire disparaître, 17 ans pour une grosse fainéante c’est beaucoup quand même.
Puis j’ai commencé à me reconstruire, avec l’aide d’un psychiatre pendant 3 ans, j’ai fait ma connaissance. J’ai enfin accepté de me rencontrer, de savoir qui j’étais vraiment, ce que je voulais dans la vie, et ce que j’ai découvert m’a énormément plu!
Je me suis petit à petit apprivoisée, apprendre à aimer ce corps qui est le mien, cette enveloppe protectrice qui m’a permis d’être toujours en vie. Cela va vous paraître étrange mais j’ai réappris à me toucher, à me regarder dans un miroir avec de la sincérité.
Il y a 7 ans j’ai changé de vie, j’ai quitté ma Suisse natale, j’ai laissé tombé mon métier pour devenir ce que j’ai toujours rêvé d’être. Ce besoin de me réaliser moi-même, de m’écouter, de vivre pour moi, de devenir très égoïste, j’ai appris à me faire plaisir et surtout je ne vis plus à travers le regard des autres.
Mon corps est devenu un atout majeur dans ma vie, je l’aime sincèrement, j’ai énormément d’amour pour lui, il est imparfait mais j’aime l’imperfection de sa beauté.
Au même titre qu’il y a des grands, des petits, des gros, des minces, des roux, des blonds, des personnes à lunettes, la différence aujourd’hui n’est plus un frein à mon bonheur, au contraire il est un vecteur important dans ma vie, la différence est tellement moins ennuyante que l’uniformisation dans laquelle j’ai voulu à tout prix entrer.
Aujourd’hui je suis telle que je suis. Je m’aime parce que j’ai réussi à me trouver, j’ai réussi à devenir moi-même et non une personne formatée. Je ne revendique rien, juste le droit d’être soi, une femme libérée.
Je déteste quand on me dit que je m’assume, parce que je ne vois pas pourquoi je devrais être dans cette démarche, je n’ai pas à m’assumer, je n’ai commis aucune faute, aucun sacrilège.
Qu’on arrête de ma bassiner avec la santé, je n’ai jamais été en aussi bonne santé depuis que j’ai arrêté de torturer mon corps avec des carences/excès alimentaires. Une immense victoire depuis 7 ans mon poids est stable ça n’était jamais arrivé, jamais! J’essaie aujourd’hui de me rééduquer face aux aliments, de ne plus les voir comme des ennemis, écouter ma faim, mes envies, mais aussi retrouver les sensations de satiété, me défaire des ordres maternelles comme ne plus finir mon assiette!! J’ai une nouvelle façon de manger qui n’a rien de révolutionnaire, qui ne fait grossir aucune entreprise pharmaceutique et qui ne demande aucun investissement financier.
Voici mes 4 règles que j’essaie d’appliquer et je peux vous dire que même si elles sont ultra simples, j’ai beaucoup de peine à les respecter à chaque repas:
- Manger une bouchée à la fois et reposer les couverts sur la table pendant que je l’avale tranquillement.
- Manger quand j’ai faim (et uniquement quand j’ai faim)
- Ne pas finir mon assiette si je n’ai plus faim.
- Mon repas doit durer 20 minutes minimum.
Mon apparence n’est plus ma seule de raison de vivre, aujourd’hui je n’aspire qu’à être fière de moi, à me réaliser et vivre ma vie avec le plus plaisir possible. Parce que je sais que la vie est bien trop courte pour la gâcher et perdre son temps avec des regards, des gens à qui on ne plaît.
Se plaire à soi même est un luxe que je peux me payer aujourd’hui, je ne laisserai dorénavant personne gâcher ce bien-être.
Sur ce blog j’essaie simplement de casser cette barrière que l’on peut avoir dans la mode à savoir qu’elle serait réservé à la taille 0.
Comme je le répète souvent, le style n’a rien à voir avec l’étiquette de la taille de vêtement que vous portez sur le dos, et arrêtons de croire que seule les minces ont accès à l’allure.
Nous ne vivons pas aux pays des bisounours et hélas aujourd’hui encore quand on dépasse la taille 44/46 il faut être encore plus imaginative et fouineuse que la modeuse lambda. Faire son shopping vestimentaire est encore un calvaire, internet a pour cela beaucoup ouvert le marché de la mode + size, et heureusement des pays moins frileux que la France comme l’Angleterre et les Etats Unis ont compris plus vite qu’il y a avait de l’argent à se faire.
Je me demande quand est-ce que la France va enfin comprendre ça, et savoir saisir cette source de revenu, arrêter de se barricader derrière cette image de la femme française mince, complètement obsolète, la taille 38 n’étant plus du tout la référence.
Si ma force de caractère, ma lucidité, mon passé et mon expérience peuvent aujourd’hui servir à quelque chose pour faire bouger les choses je le ferai. Jusqu’à aujourd’hui j’ai toujours répondu présente.
Mais j’ai aussi un immense ras le bol de tous ces numéros ou émissions “spécial rondes” autant que les éditions “spécial régimes“. Dorénavant je refuserai tous les demandes ne concernant que mon apparence physique.
Il est temps de comprendre que les femmes sont multiples, rondes, minces, grandes, petites, maigres, jolies, moins jolies, c’est tellement stupide de devoir le justifier pourtant regardez et lisez autour de vous, on se sent toujours obligé de cataloguer les gens, une manière de rassurer ceux qui se sentent faibles.
Voilà, je pense vous avoir tout raconté sur mon long parcours de l’acceptation de soi, j’ai essayé d’être le plus sincèrement possible et peut-être que ce long billet saura vous éclairer un peu plus si vous aussi vous cherchez à vous rencontrer.
Merci à toutes celles qui m’auront lu jusqu’à la fin de ce post un peu particulier, il est nécessaire parfois de baisser la garder.
Je vous embrasse toutes et du fond du coeur, vous êtes toujours plus nombreuses sur ce blog, un immense MERCI!
(english version here // version anglaise ici)
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